Nouveau Code civil – L’imprévision
- laurenthousen
- 19 déc. 2022
- 3 min de lecture
Depuis plusieurs années déjà, le droit belge connaît une évolution à travers la réforme du Code civil. Son Livre 5, intitulé « Les obligations », doit entrer en vigueur ce 1er janvier 2023. Ce billet, le second d’une courte série, revient sur un aspect notable de la réforme : la consécration de la théorie de l’imprévision dans le nouveau Code.
En effet, les contrats sont négociés à un instant T et selon le contexte économique existant au moment de leur conclusion. Le (futur) ancien Code restait toutefois muet en cas de rupture de cet équilibre économique et, en conséquence, de celui de la relation contractuelle.
La Cour de cassation avait, de son côté, rejeté l’idée d’une jurisprudence en la matière.
Il en résultait que les parties étaient livrées à elles-mêmes et que seul le contrat (bien rédigé) permettait de prévoir un éventuel aménagement contractuel en cas de rupture des circonstances économiques de la relation. Ceci impliquait également que les parties les plus faibles avaient plus de mal à négocier de tels arrangements. Ce problème a été corrigé avec le nouveau Code.
En effet, l’article 5.73 du nouveau Code rappelle que tout contrat doit être exécuté de bonne foi et que nulle partie ne peut abuser des droits qu’il tire du contrat. Il ne peut être dérogé à ces principes.
L’article 5.74, qui reprend le cœur du nouveau régime, prévoit tout d’abord que « chaque partie doit exécuter ses obligations quand bien même l'exécution en serait devenue plus onéreuse, soit que le coût de l'exécution ait augmenté, soit que la valeur de la contre-prestation ait diminué ».
En dérogation à ce principe général, le débiteur peut demander au créancier de renégocier le contrat en vue de l’adapter ou d’y mettre fin lorsque plusieurs prérequis sont réunis à savoir :
1) un changement de circonstances rend excessivement onéreuse l'exécution du contrat de sorte qu'on ne puisse raisonnablement l'exiger ;
2) ce changement était imprévisible lors de la conclusion du contrat ;
3) ce changement n'est pas imputable au sens de l'article 5.225 au débiteur ;
4) le débiteur n'a pas assumé ce risque ;
5) la loi ou le contrat n'exclut pas cette possibilité.
En cas de refus ou d'échec des renégociations dans un délai raisonnable, le juge peut alternativement, à la demande de l'une ou l'autre des parties :
(i) adapter le contrat afin de le mettre en conformité avec ce que les parties auraient raisonnablement convenu au moment de la conclusion du contrat si elles avaient tenu compte du changement de circonstances,
(ii) mettre fin au contrat en tout ou en partie à une date qui ne peut être antérieure au changement de circonstances et selon des modalités fixées par le juge.
Le juge est donc bien un ultime recours, les parties étant expressément invitées à rechercher une solution en dehors des tribunaux.
Points importants :
(i) les parties sont tenues de respecter leurs engagements pendant la durée des négociations. Il ne s’agit donc pas d’une autorisation de cesser de prester ;
(ii) ce nouveau régime ne s’appliquera qu’aux nouveaux contrats. En effet, sauf accord entre parties, les contrats en cours seront toujours régis par l’ancien Code.
Les parties seront donc bien inspirées de se saisir de toute opportunité pour renégocier leurs contrats et de prévoir les dispositions nécessaires en complément du nouveau Code à partir de janvier 2023.
En effet, un tel régime ne pourra qu’être salutaire à la préservation des flux d’affaires dans une économie secouée par une guerre proche, une crise énergétique et ses conséquences diverses et ce que l’avenir nous réserve.
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