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Avocats, droits d’auteur et fiscalité – Actualisation de la jurisprudence

Encore une fois, le régime fiscal favorable des droits d’auteur aura à nouveau fait parler de lui, en cette instance, à travers un arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 2023 relatif aux conclusions des avocats.


Dans son arrêt, la Cour considère qu’un avocat peut bénéficier du régime fiscal favorable des droits d’auteur à l’instar des auteurs d’œuvres littéraires et artistiques « ordinaires ».


La Cour estime en effet que les contraintes inhérentes à la rédaction des conclusions telles que (i) le cadre professionnel et l’expertise de l’avocat, (ii) d’éventuelles limitations techniques, et (iii) des règles ou d’autres restrictions (on songera notamment à la structure des conclusions visées à l’article 744 du Code judiciaire ou encore la déontologie professionnelle), ne font pas obstacle à ce que leur auteur fasse des choix libres et créatifs propres à sa personnalité.


En effet, l’avocat demeure libre de l’expression de ses idées, de l’ordonnancement de ses arguments, de leur formulation, du choix du vocabulaire qu’il retient dans ses écrits, et ce, conformément à l’article 444 du Code judiciaire, expressément cité par la Cour.


Cet arrêt, bienvenu sur le plan des principes généraux du droit d’auteur et de l’identification des œuvres qui peuvent prétendre à sa protection, ne surprendra qu’à moitié les intéressés. En effet, la Cour de cassation avait déjà, dans son arrêt du 20 juin 2020, consacré que les écrits d’avocats étaient susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur.


La preuve de leur originalité repose toutefois sur leur auteur, ce qui avait abouti à la consécration du principe dans… un arrêt de rejet, rendu pour raison probatoire.


L’administration fiscale s'était prévalue de cette décision dans une circulaire du 25 février 2022 en se référant à l’arrêt de la Cour d’appel de Gand confirmé qui rejetait l’éligibilité des écrits des avocats tout en se référant à la décision de rejet de la Cour de cassation… sans toutefois rappeler la motivation de l’arrêt.


La thèse de l’administration se retrouve donc invalidée par ce nouvel arrêt qui clarifie la situation pour ce qui concerne les conclusions.

Des débats seront probablement à attendre, mais l’on peine à voir au nom de quoi d’autres actes d’avocats telles des consultations et autres avis juridiques ne pourraient pas être également éligibles à la protection par le droit d’auteur. Les paramètres de leur rédaction sont proches sinon identiques de ceux gouvernant celle des actes de procédure. À titre surabondant, l’avocat rendant un avis juridique n’est pas limité dans sa créativité par des obligations de structure imposées par la loi, tel l’article 744 du Code judiciaire.


La situation, clarifiée pour le passé, reste ouverte pour l’avenir et son application au nouveau texte entré en vigueur le 1er janvier 2023 (qui comprend également une période transitoire pour les auteurs amenés à ne plus bénéficier du régime).


À cet égard, force est de constater que le nouveau régime vise toujours explicitement les œuvres visées au Livre XI, titre 5, du Code de droit économique, dont les œuvres littéraires font toujours partie, jusqu’à preuve du contraire.


L’on pourrait donc postuler l’applicabilité du régime aux écrits d’avocats, sous réserve du respect du bréviaire de conditions d’application du nouveau texte. Le lecteur attentif se rappellera qu’outre une condition d’exploitation effective (notamment), les œuvres cédées (par l’avocat) à des tiers doivent l’être « aux fins de communication au public, d’exécution ou de représentation publique ou de reproduction ».


Si l’effectivité d’une communication au public pourrait faire l’objet de débats, le respect de la condition alternative de reproduction ne devrait guère présenter de difficulté s’agissant d’écrits de procédure.


Affaire à suivre donc, notamment au regard du nouveau texte. Cette jurisprudence confortera également la position d’autres professions soumises à des contraintes techniques tels des architectes ou des informaticiens.

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